Le wokisme... miroir fragile du marketing !
2025/11/24
Le wokisme, c’est un mot qui, à lui seul, déclenche une sorte d’électricité dans l’air, un mélange d’inquiétude, de curiosité et parfois de lassitude, tant il semble cristalliser les tensions d’une époque où la morale, l’identité et la communication s’entrechoquent.
Quand on l’aborde du point de vue du marketing, on se rend compte à quel point ce mouvement, né d’une volonté d’éveiller les consciences et de réparer certaines injustices, a profondément bouleversé la manière dont les marques s’expriment, se positionnent et interagissent avec leur public.
Dans un monde saturé de discours, d’images et d’opinions, les entreprises ont compris que la neutralité n’était plus possible, que le silence sur certains sujets pouvait être perçu comme une forme de complicité, mais que la prise de position, elle, risquait de déclencher une tempête.
Les marques avancent aujourd’hui dans un espace où chaque prise de parole peut devenir un terrain miné
Ce paradoxe, presque schizophrénique, a poussé le marketing à se réinventer, à chercher un équilibre fragile entre sincérité et stratégie, entre authenticité et calcul, entre courage et prudence.
Ce qui est fascinant, c’est que le wokisme, avant d’être un phénomène social, est devenu un prisme à travers lequel se lit toute la communication contemporaine. Les marques, qui hier misaient sur l’humour ou la séduction, doivent aujourd’hui manier des valeurs morales comme des arguments commerciaux, parler d’inclusion, de diversité, d’égalité, d’écologie, tout en sachant que chaque mot peut être retourné contre elles, chaque visuel interprété, chaque silence jugé.
La créativité se trouve de plus en plus contrainte par la peur permanente de commettre un faux pas
Dans cette atmosphère de vigilance permanente, la créativité se retrouve parfois muselée, enfermée dans des cadres si étroits que le discours finit par perdre son souffle, sa chair, sa part d’imprévu. Il ne s’agit plus seulement de convaincre, mais de ne pas déplaire, de ne pas heurter, de ne pas être accusé d’aveuglement ou d’arrogance.
Et c’est peut-être là que le wokisme, dans sa version la plus dogmatique, devient une forme de censure douce, une dictature du regard où la peur de mal faire l’emporte sur l’envie de bien dire.
Les engagements affichés ne suffisent plus lorsque les consommateurs exigent une cohérence totale
Mais au-delà des excès et des caricatures, il faut reconnaître que le wokisme a introduit une exigence nouvelle dans la communication : celle de la cohérence. Car les consommateurs, désormais armés de leur vigilance critique et de leur accès direct à l’information, ne se contentent plus d’un slogan inspirant ou d’une publicité bien ficelée. Ils veulent des preuves, des actes, une vérité vécue dans la durée, une forme d’intégrité que le marketing, longtemps habitué à travestir la réalité, doit apprendre à embrasser.
Le wokisme, en ce sens, agit comme un test moral, une sorte de révélateur impitoyable des incohérences entre le discours et la pratique. Il oblige les marques à se regarder en face, à confronter leurs valeurs affichées à leurs comportements réels, à se demander si leur engagement n’est qu’un vernis ou une transformation en profondeur.
Ce qui est troublant, c’est que ce mouvement, censé rendre le monde plus juste, plus inclusif et plus conscient, produit aussi un effet inverse : à force de vouloir tout définir, tout contrôler, tout rectifier, il enferme les individus et les marques dans des identités figées, des postures rigides, des zones interdites où la nuance devient suspecte.
On en arrive à un point où la parole se fragilise, où la peur du malentendu paralyse l’expression, où l’intention compte moins que la perception.
Et pourtant, c’est justement dans cette zone grise, dans cette hésitation, dans cette imperfection humaine, que se joue la vérité du dialogue. Peut-être qu’il faudrait cesser de voir le wokisme comme un tribunal moral et le considérer plutôt comme un miroir tendu à nos contradictions les plus intimes : notre besoin d’être reconnu, notre difficulté à écouter, notre obsession du regard des autres, notre incapacité à tolérer la complexité.
Dans le fond, le wokisme pose une question vertigineuse au marketing comme à la société : comment continuer à parler à tout le monde dans un monde où chacun revendique une sensibilité unique, une identité singulière, une vérité personnelle ? Comment créer du lien dans une époque où chaque message peut être interprété comme une offense, chaque image comme une exclusion, chaque mot comme une agression ? Peut-être que la réponse, paradoxalement, se trouve dans un retour à une forme de simplicité, non pas celle des slogans creux, mais celle d’une parole plus humble, plus incarnée, plus consciente de ses limites.
Parce que, finalement, communiquer, ce n’est pas convaincre à tout prix, ni séduire sans heurts, mais oser dire avec justesse, accepter le risque du malentendu, et surtout, continuer à croire que la parole, même fragile, même imparfaite, peut encore relier les êtres.
Publié le 24/11/2025
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