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Deepfake : Je vous trouve très beau

2025/12/22

Avec l’IA on ne parle plus de faux profils mais de fausses personnes entières
Avec l’IA on ne parle plus de faux profils mais de fausses personnes entières

Il y a quelque chose d’assez dingo dans la manière dont notre rapport au numérique a basculé ces dernières années ! Pendant longtemps, les arnaques et les manipulations qui circulaient sur les réseaux avaient une forme assez reconnaissable.

Les faux profils présentaient presque toujours les mêmes signes: des photos un peu trop parfaites, des incohérences dans les conversations, des réponses qui semblaient mécaniques, des histoires personnelles floues. On savait que des milliers de personnes se faisaient piéger chaque année, mais on avait au moins l’impression de comprendre le terrain.

Les plateformes elles-mêmes publiaient régulièrement des chiffres alarmants, comme Meta qui signalait déjà en 2022 plus d’un milliard de comptes supprimés pour activités suspectes en seulement six mois, ou la hausse constante des signalements de manipulations affectives et financières sur Instagram, TikTok ou WhatsApp. Tout cela dessinait un paysage certes préoccupant, mais encore relativement maîtrisable.

Quand les arnaques étaient facilement visibles on savait encore à quoi faire attention

Puis l’IA générative est arrivée. Et ce n’est pas une petite amélioration technique qui a eu lieu, c’est une rupture totale. Les modèles capables de générer du texte, des images, de l’audio ou de la vidéo ont progressé plus vite que notre capacité à les encadrer. Des études récentes comme celles publiées par Europol, la Stanford Internet Observatory ou encore l’Université de Cambridge insistent toutes sur le même point : la frontière entre le vrai et le faux ne tient quasiment plus qu’à un fil.

Là où un fraudeur devait autrefois assembler des morceaux pour créer une illusion, une IA est maintenant capable de fabriquer une identité complète, crédible, cohérente, avec une personnalité stable, des centres d’intérêt, un ton de voix reconnaissable, une manière d’écrire qui semble spontanée. Et surtout, elle peut fonctionner 24h/24, répondre instantanément, ne jamais se contredire, et adapter son discours à la personne en face.

Avec l’IA on ne parle plus de faux profils mais de fausses personnes entières

Ce qui rend la situation encore plus inquiétante, c’est la convergence de ces technologies. On n’a plus seulement des textes bien formulés. On a des photos générées par des modèles capables de créer des visages qui n’existent pas mais paraissent totalement humains, au point qu’une étude de l’Université de Washington publiée en 2023 a montré que 62% des personnes testées jugeaient les faux visages plus “crédibles” que les vrais.

On a aussi les vidéos deepfake qui maintenant ne demandent plus des semaines de travail mais quelques secondes. On a des voix synthétiques tellement proches des voix réelles que même des systèmes d’authentification vocale bancaire ont été trompés, comme l’ont révélé plusieurs enquêtes britanniques en 2024. Tout ça crée un cocktail explosif où le moindre signe de preuve numérique peut être fabriqué sur mesure.

Dans ce contexte, parler d’une “nouvelle ère de l’indétectable” n’est pas une formule dramatique, c’est simplement décrire la réalité.

Ce n’est pas seulement l’individu moyen qui est dépassé, ce sont aussi les institutions, les plateformes, les gouvernements. En 2024, OpenAI, Google, Meta et d’autres acteurs du secteur ont commencé à travailler sur des systèmes de traçabilité, de marquage invisible, de détection automatisée, mais pour l’instant, rien n’est infaillible. La technologie évolue trop vite, et la capacité à générer des contenus impossibles à distinguer du réel progresse plus vite que notre capacité à identifier leur origine. Même les détecteurs d’IA les plus avancés se trompent encore dans 20% à 30% des cas, et parfois plus.

Ce brouillage massif a des conséquences bien plus profondes qu’on ne le pense. Ce n’est plus seulement une question d’arnaques sentimentales ou financières, même si celles-ci explosent. C’est aussi une question de perception collective. Quand on ne peut plus se fier aux visages, ni aux voix, ni même aux vidéos, on commence à douter de tout. On éprouve une forme de fatigue cognitive, un besoin constant de vérifier, qui finit par user la confiance que l’on accorde aux autres, mais aussi aux institutions, aux médias, aux plateformes. Les chercheurs appellent ça l’effet de “pollution informationnelle”: même si on ne croit pas directement à un contenu manipulé, le simple fait de savoir qu’il pourrait l’être fragilise nos repères.

Désormais, même les preuves visuelles ne prouvent plus rien

Le plus troublant, peut-être, c’est que ce phénomène touche précisément ce qui était autrefois considéré comme des preuves. Il y a quelques années, une vidéo valait preuve. Une voix enregistrée valait preuve. Un selfie en appel vidéo valait preuve. Aujourd’hui, tout cela vaut de moins en moins.

On est entré dans une zone où la vérification ne peut plus simplement reposer sur ce que l’on voit. Il faut trouver de nouveaux critères, plus subtils, plus comportementaux, plus relationnels. Même les forces de l’ordre et les experts en cybersécurité commencent à repenser leurs méthodes d’analyse.

On pourrait croire que tout cela va nous mener à un monde de paranoïa généralisée, mais ce n’est pas aussi simple.

Il y a aussi une forme d’apprentissage collectif en cours. On s’habitue à vivre dans un environnement où l’image et la voix ne suffisent plus, un peu comme nos ancêtres ont dû s’habituer à la photographie ou au montage vidéo. La différence, cette fois, c’est la vitesse du changement. On n’a pas eu des décennies pour apprivoiser ces outils, on a eu quelques mois. Et les prochains mois iront encore plus vite.

Pour s’adapter, il va falloir réinventer notre manière de percevoir le vrai, accepter que le numérique ne peut plus servir de pilier inconditionnel, et surtout réapprendre à reconnaître ce que seules des relations authentiques peuvent produire: le temps, la cohérence, la nuance, la chaleur humaine.

Parce qu’au fond, c’est ça qui restera. Dans un monde où tout peut être fabriqué, la seule chose qui devient difficile à imiter, c’est la profondeur réelle des liens et la complexité d’un être humain. Mais d’ici là, il va falloir naviguer dans ce brouillard, en sachant que ce qu’on voit à l’écran n’est plus une fenêtre sur l’autre, mais parfois une mise en scène parfaitement optimisée pour nous séduire ou nous tromper.

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Publié le 22/12/2025

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